Ils figurent parmi les exercices les plus négligés et sont placés en dernier de liste quand il s’agit de l’activité physique, ce sont les étirements. Pourtant, si on s’étire depuis plusieurs décennies c’est peut-être parce que cela a du sens. Toutefois, comme nous allons le voir, la science elle-même peine encore aujourd’hui à les valoriser faute de résultats concrets. Entrez dans l’univers des étirements et leurs complexités.

Le début de la frustration

Les étirements quand vous en parlez autour de vous, peu de gens aiment ça et ils sont d’autant moins nombreux à les pratiquer. Tout d’abord ça prend du temps et ensuite ce n’est pas à proprement parlé agréable. Finalement, les résultats ne sont pas spectaculaires. Ce n’est pas parce que vous vous êtes étiré l’arrière des cuisses pendant une minute que vous allez pouvoir envoyer votre jambe en l’air comme la plus gracieuse des ballerines. C’est frustrant ! Même les sportifs vous le diront, ils les pratiquent surtout parce que le coach leurs a dit de les faire plus que par réel intérêt. Mais alors où se situe le problème ? Pourquoi continue-t-on à en débattre si c’est désagréable et qu’on n’y voit pas d’intérêt ? Avant d’essayer d’y répondre, revenons un peu en arrière. C’est quoi les étirements ?

Etirement et… étirement

Aussi étrange que cela puisse paraître, il y a plusieurs types d’étirements : dynamiques, balistiques, la facilitation neuromusculaire proprioceptive (PNF en Anglais) et les étirements passifs. Autant dire que lorsque vous parlez d’étirements il est préférable d’être précis ! Les étirements dynamiques consistent à exécuter des mouvements lents et contrôlés pour préparer le corps au mouvement puis de les accélérer progressivement pour augmenter l’amplitude et s’échauffer. On pourrait tout à fait les comparer à des mouvements destinés à entretenir la mobilité et sont le plus souvent utilisés en début de séance d’entrainement. Les étirements balistiques sont plus connus des personnes d’un certain âge (parmi lesquelles je m’inclus), puisqu’il s’agit d’étirements passifs où l’on va imprimer un petit mouvement de balancier en fin de course. Décriés dans les années 90, ils ont été complètement relégués aux oubliettes et font leur réapparition aujourd’hui. Il semblerait que leurs actions sur le glissement des fascias (les enveloppes musculaires pour faire simple) est plutôt positif. Comme quoi les idées évoluent ! La PNF utilise une position d’étirement à laquelle on ajoute une contraction musculaire contre résistance pour provoquer un relâchement des tissus (contracté-relâché). Vous avez peut-être déjà expérimenté cela chez un thérapeute, dans le cadre d’un programme de rééducation notamment. Pour terminer, les étirements passifs que tout le monde connait car il s’agit des étirements les plus pratiqués et les plus conseillés (les plus détestés ?). Vous prenez une position d’étirement d’un ou plusieurs segments musculaires et vous tenez la position pendant 10, 20, 30 secondes, parfois plus. Ce sont ces derniers que j’aborde ici.

 

Mains coeur

La science à la rescousse… ah bah non !

Mais alors que dit la toute puissante science sur le sujet ? Eh bien, c’est contrasté. Ce qu’il faut comprendre c’est que les études menées prennent forcément un postulat de base qu’elles vont tenter de démontrer, ou pas. De ce fait, elles répondent à certaines questions et d’autres restent sans réponse ou sont ambigües. Voici une liste non exhaustive de questions auxquelles la science a tenté d’apporter une réponse :

  • Est-ce que les étirements ont des effets sur la prévention des blessures ?
    La réponse est simple, non. Malgré de nombreuses études et des résultats contrastés, il semblerait que le consensus reste défavorable quant à l’utilité de ces derniers. Toutefois, on verra plus loin que ce n’est qu’une question de point-de-vue et que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Mais poursuivons.
  • Est-ce que les étirements améliorent la performance sportive ?
    La réponse est non. Tout au plus l’effet est nul suivant l’activité physique. Il peut même y avoir une diminution de la force et donc de la performance.
  • Est-ce que les étirements augmentent l’amplitude de mouvement ?
    La réponse est oui. De nombreux travaux s’accordent à dire qu’il y a des gains immédiats d’amplitude et une diminution de la rigidité tissulaire. Il semble même que s’ils sont pratiqués régulièrement, ces changements se maintiennent dans le temps. C’est donc plutôt une bonne nouvelle.
  • Est-ce que les étirements aident à récupérer d’un effort physique ?
    La réponse est on ne sait pas vraiment. Les résultats semblent être contradictoires. Le repos reste visiblement une valeur bien plus sûre en la matière.
  • Finalement, est-ce que les étirements ont un effet sur la récupération lors de blessures ?
    La réponse est un grand OUI. S’il y a un sujet où les étirements font consensus, c’est au niveau de la récupération post-traumatique. Donc quand votre physiothérapeute vous donne des exercices, faites-les svp !

Qu’en retenir alors ?

Comme mentionné plus haut, le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît. A titre d’exemple, les étirements ne vont pas vous protéger d’un risque de blessure lors de votre activité physique. Cependant, puisqu’ils augmentent votre amplitude de mouvement, on peut donc considérer que c’est plutôt souhaitable pour une activité saine. En effet, une articulation qui bouge bien est plus à même de faire face à une charge de travail conséquente et donc, potentiellement d’éviter une blessure. Voyez-vous où je veux en venir ? Les étirements restent donc globalement une activité très positive pour votre santé. Parce qu’ils augmentent votre amplitude de mouvement, qu’ils diminuent la rigidité tissulaire, il serait dommage de passer à côté. Mais ce n’est pas tout.

Les étirements au secours du système nerveux

Je n’ai pas trouvé beaucoup de référence sur le sujet pourtant les pratiquants assidus connaissent bien cet effet, c’est celui de la relaxation (peut-être du côté du yoga ?). L’étirement statique maintenu pendant suffisamment relaxe et détend profondément. Mais il ne le fait pas uniquement au niveau de vos muscles, tendons et j’en passe, mais au niveau de votre système nerveux également. C’est une formidable occasion de ressentir votre corps et de respirer. On l’oublie souvent cette fameuse respiration et elle est pourtant si importante. Par une respiration profonde et consciente, vous apaisez à la fois votre corps et votre esprit. Il a même été démontré qu’étirement et pleine conscience faisait baisser les niveaux de cortisol chez des personnes victimes de stress post-traumatiques. Rien que ça ! 

 

Comment pratiquer ?

Je conseille souvent à mes patients de faire simple. Choisissez des étirements qui vont vous permettre de faire l’essentiel : vos chaines musculaires postérieures (dos et jambes), la partie avant de vos cuisses, votre nuque, vos épaules, etc. 

Essayez de maintenir 30 secondes chaque étirement sans forcer et sans chercher à battre un record de souplesse (je vous vois venir avec votre tempérament compétitif !). Finalement, soyez régulier. Les études suggèrent 5 fois par semaine mais si vous en faîtes déjà une ou deux séances c’est déjà merveilleux et votre corps vous en remerciera.

Le mot de la fin

A l’heure où chaque minute est précieuse, peu de personnes s’étirent faute d’y voir un quelconque intérêt. J’aime à rappeler que nous sommes malheureusement beaucoup trop statiques et que le corps se nourrit de nos schémas de mouvement. Un corps qui bouge et explore des amplitudes de mouvement c’est un corps qui pourra continuer à le faire au fil du temps. La question qui reste c’est dans quel corps avez-vous envie de passer les années à venir ?

Pour aller plus loin

Etirements et blessures :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25933060/

Etirements et performance :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15495679/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21373870/

Etirer ou pas :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20030776/

Intérêt des étirements balistiques :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17261561/

Amplitude de mouvement :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26642915/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29506306/

Etirements et récupération après effort :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34025459/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28761702/

Etirements après traumatisme :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18461255/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32017660/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35091326/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29072027/

Etirements et pleine conscience :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23720785/

Pour davantage d’information ou la prise d’un rendez-vous: